Goodbye, Loretta - Shawn Vestal




Qui n’a jamais entendu parler des mormons ? Sous ce surnom, se cache L’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours. Jusqu’en 1890, certains mormons étaient polygames. L’Eglise mormone a ensuite interdit cette pratique et la rejette expressément en condamnant ceux qui continuent d’y voir la volonté de la bible. Néanmoins, elle existe toujours derrière le nom d’Eglise fondamentaliste de Jésus-Christ des saints des derniers jours. Goodbye, Loretta montre ces deux Eglises.
Short Creek, le lieu où se passe une partie du roman, existe réellement. Situé dans l’Arizona, les mormons fondamentalistes s’y sont installés pour laisser libre court à leurs pratiques. Le dernier fait divers en date est la condamnation de Warren Jeffs à la réclusion à perpétuité. Ce dernier aurait eu pas loin de soixante-quinze épouses, certaines mineures. Sa communauté vivait à Short Creek. Et elle continue d’exister.

L’AUTEUR

Goodbye, Loretta est le premier roman de Shawn Vestal paru en 2016 pour la version originale et en 2018 chez Albin Michel dans une traduction d’Olivier Colette.

LE LIVRE

Loretta est une jeune fille qui vit dans une communauté de mormons fondamentalistes et polygames. Après l’avoir surprise à faire le mur, son père la marie à quinze ans à Dean, qui a le triple de son âge, une épouse et sept enfants.
Un événement familial fera revenir Dean dans le reste de sa famille, des mormons plus « libéraux ». Loretta, qu’on fait passer pour la nièce de la première épouse de Dean sans que cela ne dupe personne, rencontre des jeunes hommes de son âge et n’a qu’une idée en tête : fuir, avec ou sans l’aide de Jason, neveu de Dean, et de son ami amérindien Boyd.

LA CHRONIQUE

La force de ce roman est sans aucun doute la description minutieuse par l’auteur de ces deux communautés : l’une fondamentaliste où les adeptes vivent comme des pionniers, et l’autre plus en phase avec son temps où la musique rock et les vêtements à la mode sont tolérés. La seconde craint la première : que vont penser les gens quand ils apprendront qu’un homme polygame est venu s’installer en ville ? La première haït la seconde : Satan l’a corrompue.
C’est dans cette dualité que s’inscrit l’histoire. Loretta veut fuir, cherche toutes les solutions possibles. Plusieurs s’offrent à elles, qu’importe les moyens tant que le but est atteint ?

Les constructions des personnages sont assez inégales : Loretta est ambivalente, on a parfois l’impression qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut, parfois on pense qu’elle les manipule tous. Cela empêche de véritablement s’attacher à elle.
Dean est-il vraiment vertueux ? Sous ses airs de saint homme, comme il aime le faire croire, se cache en réalité un homme cupide. La religion, c’est bien pour avoir plusieurs femmes et de la chair fraîche mais quand il s’agit de distribuer les bénéfices de son commerce à la communauté, il fuit.
Finalement le personnage qui m’aura le plus interpellé est Boyd, l’ami Shoshone de Jason le neveu de Dean. Lui n’a rien à faire dans ce monde qui est à mille lieues du sien mais s’y accroche pourtant par l’intermédiaire de Jason.

Goodbye, Loretta reste tout de même un roman très intéressant à lire qui a le mérite de m’avoir donné envie de m’intéresser un peu plus à ce que peuvent vivre ces femmes engluées dans cette communauté patriarcale, polygame et misogyne.

Fuir, tout laisser derrière soi, ne même pas jeter un dernier coup d’œil en arrière… Tout, plutôt que d’y retourner. Goodbye, Loretta est un roman sur la liberté, sur avoir le choix en tant que femme de vivre la vie que l’on souhaite, avec qui on le souhaite.
Shawn Vestal laisse très bien transparaître cela, et je l’en remercie.


Merci aux éditions Albin Michel et à Léa du Picabo River Book Club pour cette belle découverte !

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L’EXTRAIT

« Ce que tu as fait… » Sa mère s’interrompt. « Il a le sentiment… »
Elle fait glisser ses mains tremblantes vers l’extérieur de ses jambes, comme pour balayer des miettes vers le sol.
« Nous avons le sentiment que tu es en péril. Que ton âme est en péril. »
Sa mère et elle n’ont pas leur mot à dire. Aucune n’a de rôle à jouer, si ce n’est celui d’obéir. Son père a décidé de la placer auprès du Frère Harder, Dean Harder, qui dirige les Récoltes du Sion, le commerce d’alimentation, un homme vertueux, un fidèle membre de l’Ordre, qui est prêt à agrandir sa famille céleste.
« Me placer ? demande Loretta.
- Tu sais bien », répond sa mère, si faiblement que ses paroles sont noyées par le bruit de l’arroseur automatique à l’extérieur.
« Tu le savais très bien. »

Pour aller plus loin :
Pour entendre trois Loretta témoigner de leur expérience (le mot est faible), je vous conseille ce court reportage qui permet d’en apprendre plus sans tomber dans le voyeurisme.



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